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Une sortie à Carole avec une Ducati...
Il faut s'y préparer plusieurs jours (mois ?) avant !!!
Par Frédo alias Psychopat'


Qu’est ce qui différencie le supporter de foot du motard pur et dur ? À votre avis ? Pas grand chose : l’un comme l’autre gesticulent dans la vaine affirmation d’une identité absconde en agitant sa bannière chamarrée. Tout angoissé qu’il est par l’hypothétique dilution de son petit moi dans la masse panurgienne, il se rassure en brandissant sa cocarde emblématique afin de récuser les autres et de reconnaître les siens.
Parmi toutes ces belles églises encore pleines de fidèles, le Ducatiste est à la moto ce que le supporter de l’OM est au football : une sorte d’élu, membre d’une confrérie soudée, à l’emblème fier et au verbe haut.

Mais depuis qu’il n’est plus nécessaire de posséder le permis moto pour faire partie du service marketing de la « Casa Madre », les ventes ont montées en flèches tout autant que le nombre de produits dérivés destinés à satisfaire toutes ces brebis égarées en quête de sens et de belle appartenance affichée.

Mais si l’entrée en religion Ducati exige une bourse pleine, la profession de foi du ducatiste n’est elle qu’une coquille vide ?
Pour essayer de répondre à cette question qui anime beaucoup de débats prophétiques sur les forums consacrés, voici ci-après ma modeste (surtout pécuniairement) illustration d’un certain évangile.


Prenons donc un événement devenu nécessaire au ducatiste moyen : un petit roulage sur piste. Nécessaire parce que si le ducatiste est fier de son magnifique destrier, c’est aussi pour l’auréole de gloire qui lui est associée, nourri qu’il est par les récits épiques de quelques prêtres canonisés par leurs exploits sur piste. Poser ses roues sur un circuit est un rite de passage obligé pour tout ducatiste en quête d’au-delà.

Mais parmi ces héros, le « vrai » ducatiste préfère les martyrs, préfère Spaggiari (arrivé 2e aux 200 miles d’Imola en 72) à Smart (arrivé 1er de la même course), Roche (1er vainqueur du championnat du monde superbike pour Ducati sur 851 en 90) à Pollen (vainqueur du même championnat en 91 et 92 sur 888), Capirossi (ce traîne le teub sur Suzuki aujourd’hui) à Stoner, suivant l’époque bénie de ses 20 ans.


Dans ce cas, il lui importe de revisiter fièrement le mythe de David contre Goliath et, donc, se convaincre qu’on peut tous les pourrir en confondant bête de course desmodromique et twin poussif à deux soupapes refroidi par air. En d’autres termes c’est comme chercher la lumière au fond d’une fosse à purin…



Mais le ducatiste « pur » doit savoir aller plus loin sur les chemins escarpés de St Jacques de Compostel ou plutôt dans les offrandes à Saint Fabio Taglioni : il doit pouvoir reconnaître l’enfer du paradis, les carters ronds des carters carrés, les couples coniques des Pantahs, les carbus de l’injection, l’étrier 40 mm d’entraxe du 65mm, le pignon de 14 du 15, la pastille de fermeture de la pastille d’ouverture, le cantilever du monobras, l’huile carrouf du Mécacyl, etc. Enfin bref, ce ducatiste là est comme l’alpiniste du CAF : il prend plus de temps à lire Frison Roche, préparer son sac qu’il n’en passe concrètement en montagne, soit plus de temps à bricoler sa moto qu’à la faire tourner.

Pour revenir à cet entraînement (on va y arriver si,si), l’idée a donc germé dans mon esprit aux alentours de la mi-avril. Le motard moyen dans ce cas-là prend sa moto, vire les phares, colle un poly (si c’est pas déjà fait), vérifie qu’il y a de l’huile (et encore, c’est surtout pour ceux qui roulent en Kawa), du liquide de frein, graisse sa chaîne, fait le plein, son petit caca mou, fonce à Carole, dit bonjour à la dame, tourne la clef et roule mimile.



Mais pour le ducatiste, il n’y a pas là de communion dans l’expression de sa foi. Par exemple j’aurais pu prendre mon 748 R qui marchait fort bien fin octobre quand je l’ai remisé chez mon fermier (au milieu des pièces détachées et autres reliquats archéologiques).

Mais après une course et 5 entraînements en 2008 (et 3 chutes), le Desmoquattro (moteur Ducati à 4 soupapes par cylindre pour les profanes) est une mécanique horlogère qui se respecte dans l’allégeance au nécessaire rituel de la révision avec (au mieux) la reconfiguration du jeux aux soupapes ou (au pire) la réfection des coussinets de bielles (en titane) en passant par le changement éventuel de deux ou trois basculeurs.




Mon choix s’est donc porté vers une orientation plus intégriste en la  personne d’un vieus SS deux soupapes à Carbus (Keihin FCR39 quand même). Par respect pour la mémoire d’« il dottore » Taglioni le choix d’une cylindrée de 750cc s’est imposé en référence aux glorieuses TTF1 de la fin des années 70. Grâce à Fanfan mon vieux 600SS de 93 s’est transformé en 750SS de piste en se mariant avec une partie cycle de 900 et un moteur de 750.

Il est bien connu des Tontons sous le nom de 679.5 et a participé (en finissant) aux 300 miles 2006.

Mais comment donc, là aussi il aurait suffi de tourner la clef ? Que nenni, le ducatiste "pur" respecte son mécano comme un gourou millénaire, il ne lui pose pas sa bécane comme une merde dans son écrin de bouillasse, non, il lui confie son moteur démonté et nettoyé avec soin, pour que ce dernier peaufine les réglages et puisse exprimer sans entrave son amour de la noble mécanique. J’ai donc entrepris de sortir de son hangar le 679.5 encore dans son jus depuis 2006 pour emporter son moteur à réviser.
Mais, cette opération s’est révélée finalement trop simple (20mn pour tout démonter). Il convenait par respect pour le grand âge de cette mécanique et en souvenir des outrages subis en 2006 de mettre finalement ce moteur au repos pour ravigoter les bielles endormies d’un autre 750 (de 92 celui-ci) reconnaissable (avec de l’habitude) à la couleur noire de ses carters.
Celui-ci était en sommeil depuis 2005 suite à l’explosion du cadre de Pantah 600 (de 1982) qui l’abritait jusque-là (faut suivre).

J’ai quand même enlevé les carters polis de courroies d’origine Pantah pour mettre les noirs qui traînaient sur le moteur d’origine du 600 SS (relégué au rang de réservoir de pièces).
Pour ceux qui suivent encore vous aurez compris que ça fait donc trois moteurs possibles pour une seule machine. Vous aurez aussi compris pourquoi les bricoleurs adorent Ducati c’est que beaucoup de pièces sont interchangeables.





C’est donc ce moteur qui reçu les doux sacrements du sieur Thierry, chef d’atelier chez HT Motos à Palaiseau (devenu le seul mécano Ducati en banlieue sud accueillant avec le sourire les anciennes depuis le départ de Dominique Lecam en Bretagne), via une petite facture somme toute très légère(moins de 200 € pièces et MO) par rapport au billet de mille qu’il faut pour la même révision(jeux aux soupapes, distribution) pour certaines japonaises (aaah les 24 000 sur le ZX6R de Flo). En plus le dit monsieur vous ouvre l’atelier commente ce qu’il fait, donne des conseils…
Ça deviens si rare la transparence.

Mais le ducatiste dans sa foi infinie se projette toujours dans une course hypothétique (des fois que le ZX7R (Jeannine pour les intimes) tombe en panne avant la course O3Z en Octobre…). Ce moteur se devait donc de valider sa conversion pistarde par quelques rites d’homologation FFM. C’est ainsi qu’il a été facile avec le moteur nu de jouer du foret de 1.5 pour freiner l’ensemble des vis de fluide (ce n’est pas trop dur là-dessus c’est un refroidissement air et huile) et de recoller les protections de carter(qu’il faut freiner aussi) récoltés sur l’ancien moteur.

En 2 heures le moteur était dans le cadre. Il ne restait plus qu’a remettre des jantes avec des pneus(usés bien sur car à combattre sans péril on triomphe sans gloire) grâce à l’aide et à l’œcuménisme du Kawasakiste de renom qu’est Lolo.



Bien entendu le Ducatiste « pur » ne tolère que les pièces racing maison et n’ouvrira jamais le catalogue Ducati Performance.  De même il refuse tout partenariat autre que symbolique. D’ou la pose de commandes reculées « faites main » et d’un récupérateur de fluides éthiquement explicite…


Il ne restait plus qu’un petit pèlerinage routier sous les feux de l’astre luminescent pour atteindre le temple consacré du circuit Carole et valider cette belle communion.

Là, la fange du tout venant quadricylindrique était ce jour là fort nombreuse. Mais le ducatiste n’est jamais seul dans la foule et chaque disciple sait reconnaître ses frères. J’aperçus tout de suite dans la fièvre de l’attente sous un soleil de plomb un autre illuminé ayant reçu les mêmes sacrements et venu communier lui aussi avec quasiment les mêmes options en la personne d’un autre 750SS carbus. Nous avons ainsi conversé sur nos mécaniques respectives et les divers tracas occasionnés par leur historique glorieux.








On en aurait presque oublié de rouler, tellement l’ouverture de la piste troubla notre belle conversation. Je roulais  finalement trois séries en me concentrant surtout sur la partie sinueuse du circuit dont je vous livre un petit décomposé(même s’il ne date pas de ce roulage) avec l’enchaînement pif, paf, parabolique.

Je mis d’ailleurs un tour à mon gentil camarade pour le convaincre que sa fidélité aveugle serait un jour récompensée jusqu’au moment où il finti par perdre sa pédale de frein sur la piste.

Pour ma part pas de dévissage intempestif mais des difficultés causées par les nouvelles platines, qui améliorent grandement la garde au sol, mais rendent la position trop crapaud malgré mes 1 m 60 (et 1 s’il vous plait). Il va peut-être falloir envisager la préparation spéciale Lolo : le réhaussement de selle.

C’est ainsi, dans la quiétude du soleil couchant, que la belle italienne a rejoint sa douce aînée encore fraîche immaculée dans sa robe de routière, elle aussi revenue d’un autre âge, délivrée des outrages du temps passé et quand même restée fière comme l’histoire de ma marque adorée…

Eparpillés aux quatre coins de la piste façon puzzle